Céramique

La Traversée de la mer Rouge, Notre-Dame-de-Toute-Grâce, le plateau d'Assy

Marc CHAGALL

  • N° C-281
  • 1956
  • Céramique murale
  • Terre blanche, décor aux engobes et aux oxydes, email transparent
  • 307 x 231 cm
  • Signée MArc ChAgAll et datée 1956 en bas à droite
    Signée Au nom des libertés de toutes les religions en bas au centre
  • Atelier de poterie : Madoura
  • Notre-Dame-de-Toute-Grâce, Plateau d'Assy, France

L’origine du projet de la céramique murale La Traversée de la mer Rouge remonte à la rencontre de Marc Chagall avec le Père Marie-Alain Couturier lors de leur exil à New York, par l’intermédiaire du philosophe et ami de l’artiste Jacques Maritain. Dans une lettre datant de 1967, Chagall rappelle le rôle capital de cette rencontre : « C’est pour lui [le Père Couturier] et à cause de lui que je me suis occupé du vitrail. C’est lui qui m’a demandé, à New York, de faire quelque chose pour le Plateau d’Assy, dont la chapelle était un projet pendant la guerre. […] C’est ainsi que j’ai fait pour le Plateau d’Assy [...] mes deux premiers vitraux, une grande céramique : La Traversée de la mer Rouge, deux bas-reliefs1. » Réalisée en 1956 à l’atelier Madoura et montée en 1957, cette grande céramique murale composée de quatre-vingt-dix carreaux est la première pièce monumentale exécutée par Chagall pour un ensemble destiné au baptistère de la chapelle Notre-Dame-de-Toute-Grâce, à Assy.
Construite entre 1937 et 1946 par l’architecte savoyard Maurice Novarina, à l’initiative du chanoine Jean Devémy, l’église catholique du Plateau d’Assy est un symbole emblématique du renouveau de l’art sacré en France. Elle devint célèbre grâce à la présence d’œuvres conçues par des artistes majeurs du XXe siècle : Jean Bazaine, Pierre Bonnard, Georges Braque, Odette Ducarre, Fernand Léger, Jacques Lipchitz, Jean Lurçat, Henri Matisse, Germaine Richier, Georges Rouault, Théodore Stravinsky, parmi d’autres, signent vitraux, céramiques, mosaïques, tapisseries, peintures, sculptures, pièces d’ameublement et objets de culte. « L’église du plateau d’Assy entrera décidément dans l’histoire comme carrefour des recherches contemporaines », confesse le Père Couturier, avant d’affirmer : « Chagall vient tout naturellement se situer dans son ensemble2. »
Le sujet de la mosaïque a été suggéré à Chagall par le chanoine Devémy, qui n’a pas caché son engouement pour cet épisode biblique : « […] vous aurez vite compris, à leur lecture, que le Passage de la mer Rouge est le fait capital : la nuée qui accompagnait le peuple conduit par Moïse, cette nuée (qui la nuit était lumineuse) était la présence même de Dieu ; et je suis sûr que ce thème de la mer Rouge est de nature à vous inspirer3. » Ce motif biblique, issu du livre de l’Exode de l’Ancien Testament, relate la fuite des israélites guidés par Moïse.
Le thème du Passage de la mer Rouge est traité par Chagall pour la première fois en 1931, dans une étude préparatoire pour la Bible commandée par Ambroise Vollard. La composition sera reprise dès le début des années 1950, lorsque Chagall commence à concevoir sa série de peintures monumentales du Message biblique. Le motif apparaît en céramique sur un plat datant de 1951, avant d’être travaillé à plusieurs reprises à l’émail et aux oxydes sur des plaques de lave, des petits carreaux céramiques mais aussi dans des études sur toile et sur papier. À la différence des versions des années 1930, plus narratives et enclines à la description, les recherches des années 1950 portent sur la composition dans sa dimension architectonique, transposable des plus petits formats aux sujets monumentaux. La nouvelle composition s’appuie sur des axes de construction principaux : la ligne d’horizon placée en haut de l’œuvre, au sommet d’un triangle constitué d’une foule humaine fendant la mer, de la figure élancée de Moïse et d’un ange au-dessus de l’horizon. La distribution des masses colorées et le traitement plus abstrait des corps et des nuages contribuent à une lecture monumentale. À travers de multiples versions aux fines variations, l’artiste recherche une tension entre les éléments iconographiques et les effets de matières, ainsi qu’une présence très spécifique des personnages d’une version à l’autre. Portant une dédicace en bas à gauche « au nom de toutes les religions », La Traversée de la mer Rouge est un don de l’artiste à l’église d’Assy en mémoire du Père Couturier et « au nom de la Paix et de la tolérance entre tous les hommes4 ». Seule œuvre céramique dans un espace public, elle préfigure, notamment par la réflexion sur la lumière, de nombreux vitraux que Chagall réalisera par la suite.

S.G.
1 Copie de la lettre de Marc Chagall à Louis Lévy, 10 avril 1967, Archives Marc et Ida Chagall, Paris, AMIC-2A-0118-133.
2 Alain-Marie Couturier, « Assy c’est une date », L’Art sacré, numéro spécial « Chagall », n° 11-12, juillet-août 1961, p. 31.
3 Lettre du chanoine Devémy, circa 30 mars 1954, Archives Marc et Ida Chagall, Paris, AMIC-2A-0067-097.
4 Lettre de Chagall au Père Devémy, 1er octobre 1956, Archives Marc et Ida Chagall, Paris, AMIC-2A-0094-013.

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  • La Traversée de la mer Rouge, Notre-Dame-de-Toute-Grâce, le plateau d'Assy, 1956, Céramique de Marc Chagall

    Marc CHAGALL, La Traversée de la mer Rouge, Notre-Dame-de-Toute-Grâce, le plateau d'Assy, 1956, terre blanche, décor aux engobes et aux oxydes, email transparent, 307 x 231 cm, Notre-Dame-de-Toute-Grâce, Plateau d'Assy © ADAGP, Paris, 2024