Femme au poisson

Ce haut-relief en marbre représente une femme nue allongée sur un poisson, la tête reposant délicatement sur le bras, dans une position de sommeil ou d’abandon, réminiscence de la représentation classique d’Ariane endormie. Élément iconographique récurrent de l’œuvre picturale, sculpté et modelé, le poisson, sur lequel se repose ici la femme sculptée, est un symbole emprunté aux religions juive et chrétienne, reliant l’artiste à ses racines et au sacré, mais avant tout à l’essence de la vie, car « l’œil véritable de la terre, c’est l’eau. Dans nos yeux, c’est l’eau qui rêve¹ ». Tour à tour gustatif, spirituel, religieux et plastique, il est ici associé au corps féminin, plein et rond, évoquant la fertilité et la plénitude, en protégeant la figure féminine et en lui offrant une assise.
La taille du bloc, en demi-lune, épouse les contours du poisson et du corps féminin, créant une dynamique équilibrée, un balancier stabilisé par le socle de marbre noir. D’une grande sobriété, le traitement de la surface de la pierre alterne surfaces polies et surfaces plus brutes, sur lesquelles les coups de burin sont encore visibles. Cette esthétique à l’écoute du matériau et de son aspect naturel, vision d’un primitivisme singulier, fait renaître les formes originelles des Vénus de la Préhistoire. Le rendu des volumes et la place essentielle accordée à la forme circulaire (visage, seins, ventre), tout comme l’aspect volontairement archaïque du traitement du poisson (écailles, nageoire), évoquent également l’art roman et plus spécifiquement les chapiteaux sculptés des églises et cathédrales, dont ceux d’Autun, découverts par Chagall lors d’un voyage dans différentes régions de France entre 1925 et 1928.