Visage et Animaux

Témoignage d’une créativité en mouvement perpétuel, l’ensemble des galets peints connu à ce jour s’élève à sept pièces. L’une d’entre elles est pourvue d’un socle (Maquette pour La Sirène ou Le Cantique (circa 1967)), tandis qu’une autre fait partie d’un assemblage (Maquette pour La Madone à l'âne (circa 1968 - 1971)). Cependant, les souvenirs de David McNeil, fils du peintre, attestent d’une production plus ample réalisée pendant leurs balades le long de la plage, à Cagnes-sur-Mer, à proximité de Vence : « Mon père sortait de ses poches des boîtes de pastels gras […]. […] les galets s’ornaient vite de poissons et d’oiseaux, de mulets, de sirènes, de jeunes femmes, de jeunes filles aux torses délicats, de portraits de mon oncle dont je porte le nom¹… » Ces créations éphémères ricochaient aussitôt à la surface de la mer, avant de rejoindre, aux dires du fils de l’artiste, le « musée des Méduses ».
À l’instar d’un grand nombre de créateurs modernes et contemporains, tels que Pablo Picasso, Jean Dubuffet ou encore Giuseppe Penone, Chagall se réapproprie les objets créés et façonnés par la nature. Respectant la forme et la texture du support minéral, auxquelles ses effigies s’adaptent soigneusement, Chagall prolonge ainsi le geste artistique remontant à la Préhistoire. La fascination exercée par les formes créées par les matières non organiques, leur comparaison avec les formes « vivantes » de la nature et, enfin, leur association avec les formes des objets d’art s’inscrivent, en effet, dans une tradition ancestrale. En témoignent les maîtres de l’Extrême-Orient, subjugués par les formes les plus « intentionnelles » de la nature « qui semblent élaborées par un art obscur » (Henri Focillon), mais également le phénomène des cabinets de curiosités en Occident, où une certaine pensée scientifique s’est cristallisée dans les collections fusionnant les objets d’art et les créations de la nature.