Sculpture

La Sirène

ou Cantique

Marc CHAGALL

En collaboration avec Lanfranco LISARELLI

  • N° S-60
  • 1967 - 1968
  • Ronde-bosse
  • Marbre
  • 163 x 195 x 60 cm
  • Signée MArc ChAgAll en bas au centre
  • Château de Grandson, Grandson, Suisse

Acquise en 1986 pour le port Liberté à Jersey City où elle devait occuper le centre d’un bassin, la sculpture La Sirène ou Cantique a été placée dans le château de Grandson, en Suisse, jusqu’à la fin des travaux de construction du site. Malgré l’enthousiasme du gouverneur de l’époque qui affirmait : « Ce ne sera pas seulement fantastique pour New York, mais ce sera magnifique pour toute l’Amérique1 », l’œuvre de Marc Chagall ne sera pas transférée au bord du fleuve Hudson, en face de la majestueuse statue de la Liberté, et restera donc sur le continent européen.
La forme et la composition de cette sculpture monumentale, la plus grande jamais réalisée par Chagall, reprennent celles d’un galet peint reposant sur un socle en guise de maquette. Le galet
– objet minéral façonné par la mer, l’atmosphère et le temps – avait inspiré à Chagall la forme de ce marbre imposant ouvert lui aussi à tous les vents, au château de Grandson. La surface du marbre aux ondulations magmatiques est animée par des figures humaines, animales et végétales, soumises à une articulation mystérieuse. Un torse féminin dans la partie supérieure de la sculpture, par le biais d’une contorsion, trouve son prolongement dans la partie inférieure horizontale, pour se transformer ensuite en queue de poisson. Ici, un couple sur un fond de toits de maisons, là, une paire de pattes de bovidé, ailleurs une guirlande de feuillage finement ciselée, plus loin, un autre visage ou encore un torse. Dynamique, complexe, voire baroque, la sculpture opère une métamorphose des corps et des motifs : « Nous sommes ici à la source même de toutes les images vivantes, de toutes les formes qui, dans leur ardeur de paraître, se mêlent, se bousculent, se recouvrent. Le vivant et l’inerte s’associent », a dit Charles Sorlier, évoquant la sculpture de Chagall.
Dans la partie supérieure de la sculpture, on aperçoit une figure masculine jouant de la lyre – Salomon, le roi d’Israël, à qui on attribue traditionnellement l’écriture du Cantique des Cantiques. Ce texte poétique de l’Ancien Testament, dénommé également Chant de Salomon, est aussi à l’origine d’une série d’œuvres picturales réalisées par l’artiste entre 1955 et 1960 et conservées au Musée national Marc Chagall à Nice. Une polyphonie de voix lyriques, tour à tour féminines et masculines, se dégage de ces versets énigmatiques, les plus sensuels de la Bible. Pétri de symboles et de métaphores voluptueuses, le Cantique célèbre l’amour charnel entre une femme et un homme, dans une radieuse communion avec la nature : « Dès le matin nous irons aux vignes, / Nous verrons si la vigne pousse, si la fleur s’ouvre, / Si les grenadiers fleurissent. / Là je te donnerai mon amour » (chapitre 7, verset 13). À travers ses formes vivantes, en mouvement, la sculpture de Chagall semble retranscrire en marbre la force vitale de la nature et la mélodie de ce texte poétique séculaire.


S.G.
1 Lettre de Pierre Barrier, Archives Marc et Ida Chagall.
  • La Sirène ou Cantique, 1967 - 1968, Sculpture de Marc Chagall

    Marc CHAGALL, en collaboration avec Lanfranco LISARELLI, La Sirène ou Cantique, 1967 - 1968, marbre, 163 x 195 x 60 cm, Château de Grandson, Grandson © ADAGP, Paris, 2024

  • Marc CHAGALL, en collaboration avec Lanfranco LISARELLI, La Sirène ou Cantique, 1967 - 1968, marbre, 163 x 195 x 60 cm, Château de Grandson, Grandson © ADAGP, Paris, 2024

  • Marc CHAGALL, en collaboration avec Lanfranco LISARELLI, La Sirène ou Cantique, 1967 - 1968, marbre, 163 x 195 x 60 cm, Château de Grandson, Grandson © ADAGP, Paris, 2024